mardi 19 mai 2009

Aux préceptes dont j’ai déjà parlé...

Aux préceptes dont j’ai déjà parlé, qu’un, autre encore soit ajouté : se faire toujours une définition et une description de l’objet dont l’image se présente à l’esprit, afin de le voir distinctement, tel qu’il est en sa propre essence, à nu, tout entier à travers tous ses aspects, et de se dire en soi-même le nom particulier qu’il a, et les noms des éléments dont il est composé et dans lesquels il se résoudra. Rien, en effet, n’est à ce point capable d’élever l’âme, comme de pouvoir discerner, avec méthode et vérité, chacun des objets rencontrés dans la vie, de toujours les considérer de telle façon qu’on puisse examiner en même temps quelle utilité tel objet fournit et à quel univers, quelle valeur il a par rapport à l’ensemble, et quelle valeur aussi par rapport à l’homme, ce citoyen de la plus éminente cité, dont les autres cités sont comme les maisons. Il faut aussi se demander quel est cet objet, de quels éléments il est composé, combien de temps doit naturellement durer cet objet qui occasionne présentement en moi cette représentation, de quelle vertu ai-je besoin par rapport à lui, de douceur, par exemple, de courage, de bonne foi, de simplicité, de maîtrise de soi, etc. Voilà pourquoi il faut pouvoir se dire en toute occurrence : « Ceci vient de Dieu. - Cela tient au groupement et au fil enroulé des événements, à la rencontre
occasionnée par leur suite, et au hasard aussi. – Ceci vient d’un concitoyen, d’un parent, d’un compagnon qui toutefois ignore ce qui est pour lui conforme à la nature. » Mais moi, je ne l’ignore point, et c’est pour cela que je le traite, selon la loi naturelle de la société, avec bienveillance et justice. Néanmoins, je vise en même temps, dans les choses indifférentes, à leur attribuer leur valeur relative.

Marc Aurèle, « Pensées pour moi-même » - Livre III - 11.

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