mercredi 29 avril 2009

Quand tu devrais vivre trois fois mille ans...

Quand tu devrais vivre trois fois mille ans, et même autant de fois dix mille ans, souviens-toi pourtant que nul ne perd une vie autre que celle qu’il vit, et qu’il ne vit pas une vie autre que celle qu’il perd. Par là, la vie la plus longue revient à la vie la plus courte. Le temps présent, en effet, étant le même pour tous, le temps passé est donc aussi le même, et ce temps disparu apparaît ainsi infiniment réduit. On ne saurait perdre, en effet, ni le passé, ni l’avenir, car comment ôter à quelqu’un ce qu’il n’a pas ? Il faut toujours se souvenir de ces deux choses : l’une que tout, de toute éternité, est d’identique aspect et revient en de semblables cercles, et qu’il n’importe pas qu’on fixe les yeux sur les mêmes objets durant cent ans, deux cents ans, ou durant l’infini du cours de la durée. L’autre, que celui qui a le plus longtemps vécu et que celui qui mourra le plus tôt, font la même perte. C’est du seul présent, en effet, que l’on peut être privé, puisque c’est le seul présent qu’on a et qu’on ne peut perdre ce qu’on n’a point.

Marc Aurèle, « Pensées pour moi-même » - Livre II - 14.

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